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qui raconterait leur histoire. Nous ne procdons pas autrement dans beaucoup de nos rves. Henri Bergson, Le rire. Essai sur la signification du comique (1900) 82 V Retour la table des matires Envisag de ce dernier point de vue, le comique nous apparatrait sous une forme un peu diffrente de celle que nous lui prtions. Jusqu ici, nous avions vu dans le rire un moyen de correction surtout. Prenez la continuit des effets comiques, isolez, de loin en loin, les types dominateurs : vous trouverez que les effets intermdiaires empruntent leur vertu comique leur ressemblance avec ces types, et que les types eux-mmes sont autant de modles d imperti- nence vis--vis de la socit. ces impertinences la socit rplique par le rire, qui est une impertinence plus forte encore. Le rire n aurait donc rien de trs bienveillant. Il rendrait plutt le mal pour le mal. Ce n est pourtant pas l ce qui frappe d abord dans l impression du risible. Le personnage comique est souvent un personnage avec lequel nous commen- ons par sympathiser matriellement. Je veux dire que nous nous mettons pour un trs court instant sa place, que nous adoptons ses gestes, ses paroles, ses actes, et que si nous nous amusons de ce qu il y a en lui de risible, nous le convions, en imagination, s en amuser avec nous : nous le traitons d abord en camarade. Il y a donc chez le rieur une apparence au moins de bonhomie, de jovialit aimable, dont nous aurions tort de ne pas tenir compte. Il y a surtout dans le rire un mouvement de dtente, souvent remarqu, dont nous devons chercher la raison. Nulle part cette impression n tait plus sensible que dans nos derniers exemples. C est l aussi, d ailleurs, que nous en trouverons l explication. Quand le personnage comique suit son ide automatiquement, il finit par penser, parler, agir comme s il rvait. Or le rve est une dtente. Rester en contact avec les choses et avec les hommes, ne voir que ce qui est et ne penser que ce qui se tient, cela exige un effort ininterrompu de tension intellectuelle. Le bon sens est cet effort mme. C est du travail. Mais se dtacher des choses et pourtant apercevoir encore des images, rompre avec la logique et pourtant assembler encore des ides, voil qui est simplement du jeu ou, si l on aime mieux, de la paresse. L absurdit comique nous donne donc d abord l impres- sion d un jeu d ides. Notre premier mouvement est de nous associer ce jeu. Cela repose de la fatigue de penser. Henri Bergson, Le rire. Essai sur la signification du comique (1900) 83 Mais on en dirait autant des autres formes du risible. Il y a toujours au fond du comique, disions-nous, la tendance se laisser glisser le long d une pente facile, qui est le plus souvent la pente de l habitude. On ne cherche plus s adapter et se radapter sans cesse la socit dont on est membre. On se relche de l attention qu on devrait la vie. On ressemble plus ou moins un distrait. Distraction de la volont, je l accorde, autant et plus que de l intelli- gence. Distraction encore cependant, et, par consquent, paresse. On rompt avec les convenances comme on rompait tout l heure avec la logique. Enfin on se donne l air de quelqu un qui joue. Ici encore notre premier mouvement est d accepter l invitation la paresse. Pendant un instant au moins, nous nous mlons au jeu. Cela repose de la fatigue de vivre. Mais nous ne nous reposons qu un instant. La sympathie qui peut entrer dans l impression du comique est une sympathie bien fuyante. Elle vient, elle aussi, d une distraction. C est ainsi qu un pre svre va s associer quelque- fois, par oubli, une espiglerie de son enfant, et s arrte aussitt pour la corriger. Le rire est, avant tout, une correction. Fait pour humilier, il doit donner la personne qui en est l objet une impression pnible. La socit se venge par lui des liberts qu on a prises avec elle. Il n atteindrait pas son but s il portait la marque de la sympathie et de la bont. Dira-t-on que l intention au moins peut tre bonne, que souvent on chtie parce qu on aime, et que le rire, en rprimant les manifestations extrieures de certains dfauts, nous invite ainsi, pour notre plus grand bien, corriger ces dfauts eux-mmes et nous amliorer intrieurement ? Il y aurait beaucoup dire sur ce point. En gnral et en gros, le rire exerce sans doute une fonction utile. Toutes nos analyses tendaient d ailleurs le dmontrer. Mais il ne suit pas de l que le rire frappe toujours juste, ni qu il s inspire d une pense de bienveillance ou mme d quit. Pour frapper toujours juste, il faudrait qu il procdt d un acte de [ Pobierz całość w formacie PDF ] |
Podobne
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